Comme le disait le physicien David Gross : ‘’La science efface l’ignorance d’hier et révèle l’ignorance d’aujourd’hui’’. Tout change de nos jours et de plus en plus vite il me semble … Ce qui relève d’une évidence scientifique ou morale aujourd’hui peut devenir rapidement aberrant, et il en va de même de notre relation à nos animaux domestiques.
De tout temps, l’homme a voulu se différencier de la bête, et l’idée que nous soyons une espèce comme une autre (bien qu’ayant eue un succès biologique exceptionnel!) a longtemps paru inimaginable. La révélation en 1859 de Charles Darwin dans son livre ‘’ Sur l’origine des espèces’’ que l’homme descendait du singe a créé un tollé de protestations à l’époque, particulièrement dans les domaines scientifiques et religieux. Cela remettait en cause la supériorité de l’homme sur les autres espèces ainsi que notre caractère ‘’divin’’. Depuis, plusieurs critères ont été utilisés pour essayer de tracer une ligne entre nous et les autres espèces. Pendant longtemps la notion même de perception de la douleur leur a été refusé ! Les scientifiques de la renaissance pratiquaient des dissections sur des animaux vivants et réveillés (l’anesthésie n’existait encore) et cela leur semblait parfaitement acceptable. En 1979, une étude a démontré chez les chimpanzés l’existence de comportements de réconciliation et de consolation après les conflits, deux comportements jugés spécifique à l’homme pendant longtemps. La ligne est plus mince que nous le pensions … En mai 2015, la Nouvelle-Zélande a été la première à voter le ‘’animal welfare act’’, qui reconnaissait légalement les animaux comme des êtres sensibles. Le Québec a emboité le pas en décembre de la même année avec la loi 54, faisant passer le statut des animaux de bien/meuble à celui d’être sensible. Enfin dirons certains, et je suis en parfait accord ! Il reste encore beaucoup à faire surtout dans le domaine agricole et alimentaire mais des petits pas sont faits graduellement.
Tout change et la médecine vétérinaire aussi s’adapte. Depuis quelques années l’Ordre des médecins vétérinaires a statué sur plusieurs points, et depuis janvier 2016 la taille des oreilles et de la queue sans raison médicale est un acte défendu aux vétérinaires. Le dégriffage (onyxectomie) des chats n’est pas encore interdit au Québec, mais il est en perte de vitesse dans la profession, de nombreux vétérinaires refusant désormais de pratiquer cette intervention. Pourquoi ? Parce que cette procédure est douloureuse (il faut amputer les premières phalanges), inutile pour le chat et que des alternatives sont disponibles avec quelques efforts. Il faut d’abord savoir pour s’éviter bien des frustrations inutiles, que le marquage de l’environnement est un comportement tout à fait normal pour les félins. Il délimite ainsi son environnement et mentionne aux autres que cet espace lui appartient. Le marquage se fait de 2 façons. Il peut être olfactif au moyen de phéromones. C’est le cas du chat qui se frotte le visage sur des objets ou sur son propriétaire. Il peut être aussi visuel, dans ce cas le chat va marquer l’environnement de ses griffes. Le marquage sert d’abord au chat à s’approprier un territoire, mais aussi à se manucurer les ongles de façon naturelle, et à s’étirer et pratiquer une forme de yoga félin. Il est donc impossible de les en empêcher, et les punir lorsqu’ils le font ne va qu’empirer le problème. Dans cette optique, le but de notre intervention est de lui trouver un endroit approprié pour marquer visuellement son environnement. Les poteaux à gratter sont essentiels, encore faut-il trouver le bon et le positionner au bon endroit dans la maison. Il faut en essayer plusieurs types, certains chats vont préférer le tapis, d’autres la corde, le carton ou même le bois! Peu importe le matériel, le poteau doit être assez long pour permettre au chat de s’étirer (minimum 36’’) et assez stable pour qu’il puisse y mettre son poids sans qu’il recule. C’est pourquoi les sofas sont si attrayants! Il faut aussi savoir que certains chats sont des marqueurs verticaux, mais d’autres préfèrent les surfaces horizontales. Je l’ai d’ailleurs appris à mes dépens, alors qu’un de mes chats m’a littéralement désossé un de mes divan avant que je pense à coucher mon poteau à griffes! L’endroit dans la maison où il est placé est aussi très important. Il devra idéalement être quelque part entre le bol de nourriture et la litière car souvent le chat va marquer après ses 2 activités. Il peut aussi être placé à proximité d’un endroit que le chat a déjà adopté pour marquer, comme le sofa. Pour rendre encore plus attrayant le poteau, certains atomiseurs d’herbe à chats peuvent être utilisé pour les attirer à cet endroit. Il devra être appliqué régulièrement au début, au moins matin et soir … La deuxième partie de notre intervention consiste à rendre les surfaces que le chat a adopté pour marquer moins attrayante que son poteau. On peut pour cela utiliser des surfaces ou des textures qu’il n’aime pas; papier d’aluminium, papier collant double face … C’est sûr que ce n’est pas très esthétique dans un salon, mais l’usage en est très temporaire, le chat changeant ses habitudes rapidement dans la plupart des cas. L’application de phéromone apaisante vendue en atomiseur, peut aussi être appliqué aux endroits de marquage inappropriés. Le but étant, que le chat décide de marquer ces endroits de façon plus douce, en s’y frottant le visage plutôt qu’en y appliquant ses griffes. Il existe aussi pour les chats récalcitrants ou pour le mobilier plus fragile des couvre-griffes de plastiques que l’on peut coller sur les griffes de notre chat. Ils doivent être réappliqués à tous les mois mais peuvent sauver certains meubles.
Bref il existe plusieurs options pour éviter de faire subir le dégriffage à nos chats. Demandez conseil à votre vétérinaire, il saura vous guider. Le site internet de l’Éduchateur (fr.educhateur.com) contient aussi une mine d’informations pour tout ce qui touche le comportement félin.
Bonne chance !
Dr Patrick Lambert DMV