Selon vous, quel est la condition le plus souvent diagnostiquée par les vétérinaires québécois chez nos chats et nos chiens? Un indice, celle-ci toucherait jusqu’à 85 % de nos animaux après l’âge de trois ans? Il s’agit des problèmes dentaires! Ils peuvent varier de la simple accumulation de tartre jusqu’à la maladie parodontale sévère. S’ils ne sont pas pris en main, ils peuvent même affecter les organes internes de votre compagnon.
En principe, nous nous brossons tous les dents plusieurs fois par jour. Nous passons la soie dentaire régulièrement. Malgré tout, nous devons consulter un dentiste de temps à autre pour un nettoyage et pour enlever l’accumulation de tartre sur nos dents. Pour nos animaux, nous avons parfois l’impression que s’ils ne mangent que des croquettes et que nous évitons la nourriture de table ou la nourriture en conserve, les dents resteront belles des années! Nous utilisons un peu la technique de l’autruche : si on laisse la gueule fermée, le problème n’existe pas! C’est malheureusement une grave erreur! Comme pour nous, des résidus de nourriture demeureront sur les dents, qui mêlés aux protéines et aux bactéries de la salive causeront l’apparition d’un film collant invisible, la plaque.
À ce stade, rien n’apparaît encore, mais si rien n’est fait, la plaque se calcifie et se transforme tranquillement en tartre. Celui-ci est jaunâtre ou brunâtre et apparaît en général à la bordure et même sous la gencive, l’irritant et causant une gingivite. Les gencives auront donc tendance à saigner, à être douloureuses et si on n’agit pas, l’animal aura une perte de gencive et de l’os sous-jacent. De plus, les bactéries contenues dans le tartre libèrent des toxines causant la mauvaise haleine, et elles peuvent se rendre dans la circulation sanguine et affecter les organes internes tels les reins, le cœur, le foie… ce qui peut être catastrophique pour la santé de l’animal. Les maladies parodontales et leurs conséquences sont une des raisons fréquentes de l’euthanasie de nos animaux de compagnie.
Comme bien des problèmes, l’idéal se trouve bien souvent dans la prévention. Il n’existe pas une seule solution mais un ensemble de bonnes habitudes à adopter afin de retarder l’âge du premier détartrage. La première de ces bonnes habitudes, vous vous en doutez, est le brossage des dents. Pitié, même si cela peut sembler décourageant, n’arrêtez pas de lire ici! Il est malheureusement difficile d’y échapper si nous voulons que notre animal garde une bonne dentition longtemps. Le brossage des dents doit être effectué avec une pâte à dents pour animaux, qui ne contiendra pas de fluor et qui sera aromatisée afin de faciliter le brossage. Comme la fréquence est très importante, c’est-à-dire au moins quatre fois semaine et idéalement tous les jours, un entraînement de votre animal au brossage sera nécessaire, car celui-ci devrait représenter un jeu pour lui!
Demandez à votre équipe vétérinaire de vous aider, il existe des techniques efficaces pour y arriver! Certaines nourritures aident aussi énormément à ralentir l’apparition de tartre sur les dents en effectuant un brossage mécanique de celles-ci lors de la mastication ou en contenant certains additifs qui peuvent diminuer la transformation de la plaque en tartre. Certaines gâteries appropriées peuvent aussi aider, bien qu’elles soient moins efficaces que la nourriture quotidienne de l’animal. Enfin, certains désinfectants buccaux à appliquer directement ou à ajouter à l’eau de l’animal auraient également un effet bénéfique.
Malgré les meilleurs soins préventifs, éventuellement et presque inévitablement, un dé- tartrage pourrait s’avérer nécessaire au cours de la vie de votre animal. À mon humble avis, dans le passé, nous avions tendance à proposer cette option souvent un peu trop tard à nos clients, ce qui impliquait parfois l’extraction de plusieurs dents. De nos jours, nous tentons donc de le recommander plus tôt. L’âge auquel il sera requis dépend en bonne partie de la prévention effectuée, mais aussi d’autres facteurs comme la génétique ou la flore bactérienne buccale de l’animal. Certaines races sont plus à risque de développer des maladies dentaires et posent un défi plus grand aux propriétaires et aux vétérinaires : je pense ici aux petites races de chiens, particulièrement le yorkshire et le chihuahua, et aux chats de race abyssin et sphynx.
Un bon détartrage doit s’effectuer sous anesthésie générale afin de bien enlever le tartre, incluant celui sous les gencives et qui n’est pas apparent. J’ai vu plus d’une fois des catastrophes dentaires sur des animaux ayant été détartrés manuellement, mais ayant énormément de tartre caché sous les gencives et menant à des maladies parodontales sévères non apparentes. Idéalement, un bilan sanguin sera effectué avant l’anesthésie afin d’évaluer la bonne condition générale de l’animal, principalement son foie et ses reins qui transforment et éliminent les drogues anesthésiques. Une fois sous anesthésie, un examen minutieux de la gueule du patient sera fait avec divers instruments dentaires. Cet examen peut aussi inclure des radiographies dentaires afin de diagnostiquer des problèmes de racine qui peuvent passer inaperçus autrement.
Un bon détartrage avec une sonde ultrasons sera ensuite effectué sur les dents et un polissage avec une pâte dentaire viendra sceller les microfissures causées par la procédure. Finalement, une solution antiseptique sera utilisée en fin de procédure. Parfois, en cas de douleur, de mobilité, de fracture, de déchaussement ou d’abcès, certaines dents doivent être enlevées. Ceci est un dernier recours, mais dans les cas énumérés plus haut, votre compagnon se sentira beaucoup mieux sans sa dent qu’avec une dent qui n’est pas saine. Les douleurs dentaires sont malheureusement fréquentes en médecine vétérinaire et ce n’est pas parce que l’animal mange normalement qu’il n’a pas mal! La gencive sera finalement fermée avec des points à la suite de l’extraction. La procédure peut s’avérer assez longue, surtout en cas d’extractions multiples, et une perfusion veineuse et un monitoring étroit des paramètres vitaux sont prioritaires.
Votre vétérinaire saura vous conseiller sur la prévention à faire et sur le moment approprié de procéder au détartrage de votre animal. La santé dentaire n’est pas qu’une question d’hygiène buccale de votre animal, elle contribue aussi à son confort, sa qualité de vie, sa longévité et sa santé globale! Donc, tous à vos brosses à dents!
Dr Patrick Lambert, dmv